lundi 28 mai 2007

L'alchimie de l'infusion



Tout le monde ici présent (enfin je suppose) fait infuser du thé plusieurs fois par jour pour le plus grand plaisir de ses papilles.

Mais tout le monde aura remarqué que cette infusion peut faire que le thé sera raté, buvable, excellent …

Il y a donc bien une alchimie de l’infusion. Et pour trouver MON alchimie de l’infusion j’ai décidé de m’intéresser un peu à ce qui se passe au niveau moléculaire lors de l’infusion. Pas tant pour être plus intelligent que pour avoir toutes les cartes en main pour réussir mes infusions selon mes envies.

Alors, vous êtes prêts ?

Tout d’abord une infusion est en fait une extraction végétale. Le principe est on ne peut plus simple. On met en présence un solide dont on veut extraire les composants (feuilles de thé) et un solvant qui va, après extraction, contenir en partie ce qu’il y avait dans les feuilles de thé.

Le refroidissement à une grande importance dans ce phénomène pour preuve c’est la seule chose qui le différencie de la décoction (ou il n’y a pas de refroidissement).

Je m’intéresserai principalement au pu-erh, dans un intérêt de clarté évident.

Pourquoi le pu-erh ? Parce que j’aime ça mais surtout car il est différent des autres thés.

En effet, la méthode de post fermentation transforme les Catéchines (flavonoïdes simples) en des molécules flavonoïdes plus complexes. Or les flavonoïdes sont les principales molécules du goût dans le thé. C’est pourquoi le pu-erh (que est le seul à subir une post fermentation) à un goût si unique qu’on ne retrouve nulle part ailleurs, c’est aussi pourquoi les amateurs de pu-erh on souvent beaucoup de mal avec les thés verts. Les constituants principaux du thé pu-erh sont ceux-ci :

- flavonoïdes complexes (goût de fond du thé),

- caféine,

- acide gallique qui donne au thé sa couleur jaune (avec des variations de couleurs en fonction de la concentration) pour les accros de pu-erh l’acide gallique est un précurseur de la mescaline (drogue hallucinogène ^^)

- Un dérivé de l’arabinose (sucre) contenus aussi dans le vin.

- Divers composés volatiles que nous humons avec bonheur !

Lors de l’infusion donc, on met les feuilles dans un récipient préchauffé ce qui commence a exciter doucement les molécules contenues dans les feuilles (durant cette phase, on sent très bien l’odeur du thé).

Ensuite on peut rincer le thé, à ce moment on ébouillante les feuilles et on les met pour la première fois en présence de l’eau cette étape est important pour les vieux thés, il permet d’entraîner les mauvaises odeurs et les éléments étrangers (toutefois tout n’est pas réglé car si les intrus ne sont pas hydrosolubles et ne se volatilisent pas à 90 ° ils resteront bien présents) ; en plus les feuilles vont s’ouvrir l’eau entrera en contact avec la feuille sur une surface plus importante.

Puis l’infusion. Plus l’eau est chaude, plus la vitesse d’extraction sera forte. Plus la vitesse d’extraction est forte plus les molécules vont passer dans le solvant rapidement mais au détriment du contrôle qu’on peut exercer sur ces molécules. Ainsi on fera très attention à ne pas mettre un thé qui a tendance à l’amertume dans une eau trop chaude sinon il sera imbuvable.

En plus, la chaleur est importante pour entraîner les molécules plus complexes du pu-erh oui oui les fameuses flavonoïdes)

Deux exemples concrets

Du thé vert dans une eau très chaude = thé amer avec des arômes présents mais cachés par l’amertume (imbuvable).

Du pu-erh dans une eau très chaude = plein d’arômes et pas d’amertume.

La taille des feuilles quand à elle est importante pour la durée d’infusion. En effet plus les feuilles sont grandes, plus elles contiennent d’éléments à extraire et donc plus l’infusion devra être longue (et inversement pour des petites feuilles).

Le vieillissement des pu-erh entre enfin en ligne de compte, plus le pu-erh est vieux, plus la post-fermentation se prolonge ainsi, la transformation des flavonoïdes est donc plus complète et plus avancée or leur extraction est plus difficile (on infuse donc plus) mais paradoxalement ces molécules donnent leur goût au thé donc il a plus de goût (on infuse moins ?)

Et voilà on finit sur ce petit dilemme pour dire que malgré tout l’infusion dépend de nos goûts,de nos habitudes et de nos envies !

10 commentaires:

jeancarmet a dit…

Alors là ça calme.

J'en reste comme deux ronds de flan.

venant tout droit de provence , a dit…

je trouve que ca va en complement de l'article que j'ai fait sur les constituants du thé dimanche .
en effet il y a des points que je n'avais pas abordé. ;-)
good job

Anonyme a dit…

D'ailleurs j'ai été un peu embété, je n'avais pas le net ce week end et je suis tombé sur ton article après avoir posté le mien. ça fait un peu tiens je fais la même choses mais pas pareil :s
Mais bon heureusement en effet la direction n'était pas la même (heureusement)

Michel a dit…

Et bien, et bien ,.. bien intéressant ..
on s'embête pas là dis.
c'est du travail serieux chez Béjita et chez toi.
On aime.

Anonyme a dit…

Tu as peut-être ta réponse pour les darjeling posés sur le blog de béjita en plusc'est chouette ;)

Philippe a dit…

Tu portes bien ton nom Ange, tu atteinds des sommets avec ton article !!

Passionnant.

Raphael a dit…

Une très belle synthèse.
Reste à traiter de l'influence de la terre sur la conservation d'une température élevée lors de l'infusion. Sinon, comment obtenir une extraction satisfaisante si la température baisse trop au cours de l'infusion d'un vieux Pu Er par exemple ?
Mais c'est déjà un peu hors sujet, non ?

Anonyme a dit…

Justement à ce sujet j'aurais voulu développer plus mais je me suis heurté à des contradictions que j'avais du mal à démeler ( et comme je suis en période de partiel j'en ai d'autres :D).

Mais pour faire bref si l'infusion est une extraction il est important qu'il y ait un refroidissement (reste a savoir dans quelles proportions et quel est vraiment l'effet en termes chimiques). Et si je dis qu'il y a contradiction c'est parce que une théière de bonne qualité garde justement bien la chaleur. A

Alors de deux choses l'une :

- Soit on devrait chercher à faire une décoction pour faire un thé le meilleur possible et pas une extraction.


- Soit le refroidissement à une vraie importance dans l'apparition de certaines molécules.


Le sujet est très complexe mais vraiment très intéressant.

LIO a dit…

Très bon article. Pour toutes les raisons que tu avances, une infusions n'est jamais gagnée d'avance. Beaucoup de paramètre entrent en ligne de compte. Aussi, je donnerais ton article et celui de bejita en référence du mon prochain post sur l'infusion d'un tuo cha.
Au plaisir de te lire.

VanessaV a dit…

Oh, oh, très intéressant et complet, à relire.